Pour la petite histoire
Au comptoir, qui dit Marseille, dit pastis. Oui, mais pas seulement et pas de tous temps. Avant que le Vieux-Port ne s’entiche du « jaune » inventé au début des années 30, c’est au brun ambré que la ville trinque : le rhum coule à flots dès la fin du 19ème siècle dans les repaires de soiffards comme dans les cercles bourgeois. Entre la générosité des cannes à sucre antillaises et la suppression des droits sur les alcools coloniaux, des montagnes de fûts sont déversées à quai, faisant de Marseille la plaque tournante du rhum. Si aujourd’hui, sa distribution se résume à deux grands groupes et trois ou quatre marques, les années folles locales étaient démentielles, particulièrement pour le porte-monnaie des distilleries et négociants du coin : ça produisait et faisait vieillir à tout va, rues St Jacques, Grignan, République jusqu’à la Plaine et la Belle de Mai. Entre-deux-guerres, Marseille fournit tout le pays et quelques voisins. Mais comme pour toute mode, la ferveur retombe. L’influence Hemingway fait tout de même son petit effet dans les années 50 avec le débarquement du « ron superior » cubain, à l’instar de Bacardi qui s’installe à la Capelette ou du rhum Havana Club représenté depuis vingt ans par Pernod.
Dans le shaker du bartender
Eminent serv(it)eur d’alcools de haute qualité à Marseille, Guillaume FERRONI nous initie aux cocktails originels, ceux créés « sous le manteau » pendant la prohibition comme les classiques des 50′s fastueuses et exotiques. On s’est glissé dans son speakeasy Carry Nation pour qu’il nous souffle une recette de son cru à base de rhum. Heureux hasard : le meilleur mixologue de la ville est un fondu de ce spiritueux. A tel point que si ce finaliste du Grand Prix Havana Club 2012 ne s’est pas rendu à la finale du concours, c’est parce qu’il était bloqué au Cap Vert pour apprendre… à distiller le rhum local. Havana Club qui a du nez, lui a pardonné et même labellisé sa création.
« Ras El Hanout » ou « Tête de l’épicerie »
4cl de rhum Havana Club 3 anos – 2 cl de jus de citron – 1,5 cl de sirop de canne – 5 mm d’une gousse de vanille – 5 mm de gingembre frais – 1 zeste d’orange – 1 zeste de citron – 1 graine de cardamome humidifiée – 1 fève de tonka râpée – 1 cerise au marasquin
Dans le verre d’un Boston shaker, piler tous les ingrédients solides dans le rhum. Ajouter les ingrédients liquides. Shaker. Double-filtrer dans une coupe garnie de la cerise au marasquin. Humez. Goûtez. Sucombez.
Valérie « Alcaline » Marquet
Bibliographie : « Tout l’arôme de la Martinique » catalogue d’exposition des publicités de rhums et liqueurs des Antilles à Marseille (1885 -1965) préfacé par Patrick Boulanger, Conservateur du patrimoine de la CCI Marseille Provence