Le nom de RICHARD SEN interpelle surtout la famille des geeks de musiques électroniques. Si on dit PADDED CELL, on élargit déjà le cercle des mélomanes. Puis si on cite DC RECORDINGS, certains visualisent aussi Emperor Machine, Higamos Hogamos, des pochettes de disques réellement créatives. Enfin, si on évoque COMA, figure phare du street art londonien, les amateurs de graffiti écarquillent les yeux. Oui, on parle bien de la même personne.

RICHARD SEN amalgame trente berges de forfaits au spray, de dee-jaying à la fois érudit et communicatif, de productions hybrides, exigeantes mais accessibles. La preuve ? Sa compilation d’acid UK tracks « This is aint Chicago » sortie chez Strut cet été et sa 3ème traversée de la Manche pour MIX EN BOUCHE samedi 8 septembre.

Le Roi Richard en trois décennies, c’est un privilège accordé là tout de suite.

MEB : Pour pouvoir t’échapper (mentalement) de prison lorsque tu as été arrêté après tes« tagging missions » dans les années 80, quel album ou artiste écoutais-tu ?

RS :  Au milieu des 80’s, Computer Love de ZAPP était un des titres fétiches de ma bande. On avait l’habitude de le chantonner le long des voies ferrées qui menaient aux trains de marchandises. Notre première détention avec mon complice graffeur TILT date de 1986 : un soir, alors qu’on matait l’émission « Soul Train » dans la salle de télé, on entend Computer Love dans la bande son. On s’est regardé et on a ressenti tous les deux un « rush » comme si nous étions sous l’effet d’une drogue ; rien que le son de cette chanson a permis de nous évader. J’écoutais aussi beaucoup les John Peel’s sessions sur la BBC, le soir, dans ma cellule.

MEB : Dans les années 90, pour se retrouver perché, tard dans la nuit ou tôt le matin en club, et sans prendre aucune substance, quel était ton morceau de prédilection ?

RS :  A cette époque, j’écoutais et jouais beaucoup de techno et l’un de mes clubs préférés était le Sabresonic de Andy WHEATHERALL. Star Dancer de RED PLANET (1993) était l’un des « tubes » du lieu et reste à mon avis le meilleur track techno de tous les temps !  Il s’inspire de Stars de Mr FINGERS (1988), un autre de mes favoris. Vingt ans plus tard, je les écoute toujours… pour aller courir. Si tu programmes la bonne playlist, avec le bon morceau, au bon moment, pendant un footing, tu entres dans un état proche d’un trip.

MEB : Psychédélique, cosmique, mystique… : au tournant de l’an 2000, l’artwork des disques signés sur DC Recordings semble aussi important que les morceaux qu’il y a dedans. S’il y avait une influence à citer, visuelle et musicale ?

RS : Oui, DC avait une identité forte, immédiatement identifiable. Le graphic designer Scott LA BOCCA qui dessinait toutes nos pochettes s’inspirait de vieilles affiches des 70’s et 80’s. Avec PADDED CELL, on était particulièrement influencés par l’imagerie des films d’épouvante, notamment des « giallo » de Dario Argento. Je citerais donc the thème de Suspiria composé par Goblin. J’aime d’ailleurs aussi beaucoup leur B.O. de Tenebre et Profondo Rosso.

 

Entretien royal accordé à Valérie « Alcaline » Marquet, fin août 2012.